Le Mystère de l’Existence

Nous ne vivons chacun que pendant un bref laps de temps au cours duquel nous ne visitons qu’une infime partie de l’Univers. Mais la curiosité, qui est le propre de l’homme, nous pousse à sans cesse interroger, en quête permanente de réponses. Prisonniers de ce vaste monde tout à tour accueillant ou cruel, les hommes se sont toujours tournés vers les cieux pour poser quantité de questions : comment comprendre le monde dans lequel nous vivons ? Comment se comporte l’Univers ? Quelle est la nature de la réalité ? D’où venons-nous ? L’Univers a-t-il eu besoin d’un créateur ? Même si ces questions ne nous taraudent pas en permanence, elles viennent hanter chacun d’entre nous à un moment ou un autre.
Ces questions sont traditionnellement du ressort de la philosophie. Mais la philosophie est morte, faute d’avoir réussi à suivre les développements de la physique. Ce sont les scientifiques qui ont repris le flambeau dans notre quête du savoir.
(…) Il était donc nécessaire d’adopter un cadre nouveau : la physique quantique. Les prédictions des théories quantiques se sont révélées remarquablement exactes à ces échelles, tout en permettant de retrouver les anciennes théories classiques à l’échelle du monde macroscopique usuel. Pourtant, les physiques quantique et classique reposent sur des conceptions radicalement différentes de la réalité physique.
(…)
Jusqu’à l’avènement de la physique moderne, on pensait généralement que l’observation directe permettait d’accéder à la connaissance intégrale du monde et que les choses étaient telles qu’on les voyait, telles que nos sens nous les montraient. Mais les succès spectaculaires de la physique moderne, fondée sur des concepts qui, à l’instar de ceux développés par Feynman, heurtent notre expérience quotidienne, nous ont montré que tel n’était pas le cas. Notre vision naïve de la réalité est donc incompatible avec la physique moderne. Pour dépasser ces paradoxes, nous allons adopter une approche qui porte le nom de « réalisme modèle-dépendant ». Elle repose sur l’idée que notre cerveau interprète les signaux reçus par nos organes sensoriels en formant un modèle du monde qui nous entoure. Lorsque ce modèle permet d’expliquer les événements, nous avons alors tendance à lui attribuer, à lui et aux éléments ou concepts qui le composent, le statut de réalité ou de vérité absolue. Pourtant, il existe de nombreuses façons de modéliser une même situation physique, chaque modèle faisant appel à ses propres éléments ou concepts fondamentaux. Si deux théories ou modèles physiques prédisent avec précision les mêmes événements, il est impossible de déterminer lequel des deux est plus réel que l’autre ; on est alors libre d’utiliser celui qui convient le mieux.
L’histoire des sciences nous propose une suite de modèles ou de théories de qualité croissante, depuis Platon jusqu’aux théories quantiques modernes en passant par la théorie classique de Newton. Il est donc tout à fait naturel de se demander si cette série débouchera en fin de compte sur une théorie ultime de l’Univers qui inclurait toutes les forces et prédirait toute observation envisageable, ou bien si l’on va continuer à découvrir sans cesse de meilleures théories, toutes perfectibles. Bien qu’on ne puisse apporter de réponse définitive à cette question, on dispose aujourd’hui d’une prétendante au titre de théorie ultime du Tout, si elle existe, baptisée « M-théorie ». La M-théorie est le seul modèle à posséder toutes les propriétés requises (…).
(…) Pour elle, non seulement notre Univers n’est pas unique, mais de nombreux autres ont été créés à partir du néant, sans que leur création ne requière l’intervention d’un être surnaturel ou divin. Ces Univers multiples dérivent de façon naturelle des lois de la physique. Ils représentent une prédiction scientifique. Chaque Univers a de nombreuses histoires possibles et peut occuper un grand nombre d’états différents longtemps après sa création, même aujourd’hui. Cependant, la majorité de ces états ne ressemblent en rien à l’Univers que nous connaissons et ne peuvent contenir de forme de vie. Seule une poignée d’entre eux permettraient à des créatures semblables à nous d’exister. Ainsi, notre simple présence sélectionne dans tout l’éventail de ces Univers seulement ceux qui sont compatibles avec notre existence. Malgré notre taille ridicule et notre insignifiance à l’échelle du cosmos, voilà qui fait de nous en quelque sorte les seigneurs de la création.
Pour accéder à une compréhension en profondeur de l’Univers, il nous faut non seulement connaître comment les univers se comportent, mais encore pourquoi.
Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?
Pourquoi existons-nous ?
Pourquoi ces lois particulières et pas d’autres ?
C’est là la Question Ultime de la Vie, de l’Univers et de tout (…).
Y a-t-il un Grand Architecte dans l’Univers ?
Stephen Hawking, Leonard Mlodinow